La Voie de l'Hirondelle

Protection de la nature et transmission d'une expérience.

La perruche Miracle

MIRACLE
 
Elle s’appelle Miracle. C’est une petite perruche ondulée jaune et verte. 9 ans environ. Nous l’avons recueillie il y a un an.
C’est un joli petit oiseau d’une vingtaine de grammes. Mais Miracle n’a pas eu de chance dans sa vie : son bec est anormalement développé.
On dirait des fois un bec de canard. Des fois une tête de tortue dinosaurienne. Des fois un bec de cigogne attardée. Il pousse tout droit ou de traviole.
Mais il lui fait une tête d’éléphant man. Bref, cette coquette petite créature est affectée d’une monstruosité.
Dans l’univers des perruches ondulées domestiques, elle est décalée même si elle y a trouvé sa place vaille que vaille. Car du courage, Miracle en a à revendre.
C’est une battante, une vraie de vraie. Elle m’épate. Je l’admire. Elle me plaît.
 
Miracle vivait chez une vieille femme qui ne lui avait jamais coupé le bec.
Je ne sais absolument pas comment elle a pu survivre et les deux vétérinaires consultés se le demandent aussi.
Son bec faisait bien 8 centimètres de long quand je l’ai rencontrée pour la première fois.
J’ai failli tomber sur une chaise, bouleversée par cette anomalie qui la défigure et l’handicape.
L’intrus traînait par terre. La mandibule inférieure était normale, mais la supérieure : une rampothèque démesurée, avec de la corne en veux-tu en voilà,
du marron, du rose, des couches, bref une génétique en délire…
Comment, dans ces conditions, ce petit animal, presque cas d’école, pouvait-il vivre, manger et boire ? Bien sûr, dans la cage, chez la femme, elle ne pouvait voler, le bec étant bien trop lourd dans sa démesure folle.
Elle partageait sa vie avec une copine, m’a-t’on dit.
C’est une amie à moi, qui travaillait chez cette vieille dame, qui m’a parlé de ce cas farfelu d’oiseau gravement handicapé. Elle ajoutait que la grand’mère ne voulait rien faire pour améliorer les conditions de vie de la petite bête.
Et que personne autour d’elle n’avait le droit de tenter quelque chose !
Implacable mémé qui faisait le malheur de son animal domestique, l’aimant pourtant à sa façon si égocentrique et inhumaine.
Non assistance à oiselle en danger !
 
Alors, quand la femme inconsciente se fractura un os et finit à l’hôpital, ma jeune amie mit la perruche handicapée dans une cage à hamster
et me l’apporta, inquiète et demandant de l’aide.
C’est là que je faillis tomber sur une chaise, d’émoi et de surprise !
Comment pouvait-on vivre avec un tel organe mal foutu et abominable ?
Comment 20 grammes avaient-ils bravé la fatigue, l’horreur ??? Où va se nicher le grand désir de vivre des êtres ???
Alors, sous les yeux de la jeune femme, je coupais le bec et essayais vaille que vaille de le redresser quelque peu avec des ciseaux,
lui redonnant dimension et forme convenables pour une perruche qui revenait de si loin.
Toujours trop gros (on ne peut trop tailler sinon on atteint la veine centrale) et difforme, mais vraiment acceptable, il me parut
convenir enfin à une damoiselle si élégante au demeurant par le reste de son corps de plumes.
Je fus remerciée chaleureusement et décidais de garder la perruche chez nous, afin de surveiller l’évolution de son mal mystérieux. Je crus à la gale du bec, soignais pour cela, mais ce n’était pas cet acarien.
Un mois après, je dus recouper l’organe quelque peu tant il avait repoussé.
 
Je fis dire à la vieille mégère que sa perruche avait besoin de soins et qu’il fallait que je la garde encore.
Pas question de la lui rendre. Si elle me la réclamait, je dirais qu’elle était morte.
Mais ce fut l’ancêtre humain qui mourut, pas la perruche ; je la nommais alors “Miracle”, on comprend bien pourquoi.
 
Miracle connut une grande volière dans notre maison, qu’elle partagea avec des amis à plumes colorées sympathiques.
Puis nous la mîmes dans une grande cage car j’avais un autre petit handicapé : Séraphin, qui se crashait régulièrement dans sa volière à cause d’un manque de caudales.
Tous les deux s’entendent à présent merveilleusement et se font autant de bisous-perruches que le permet le bec difforme de Miracle.
Mon petit “canard” et le petit mâle forment un couple charmant de papouilles comme seuls les animaux savent en offrir.
Miracle vit bien son handicap étrange ; elle doit plonger le bec profond dans ses mangeoires, dort beaucoup.
Elle le subit avec l’acceptation bienheureuse des bêtes marquées par l’épreuve, la philosophie d’une dame d’honneur à défaut de beauté.
Dernièrement, j’ai décidé d’aller consulter un vétérinaire spécialisé à Angoulême, dans les nouveaux animaux de compagnie. Il a pris la petite bonne femme dans sa main, étonné par son cas spécial : le phénomène le plus ressemblant qu’il ait vu touchait une oie.
Mais jamais perruche n’avait arboré pareil ornement, hissé pareille chose.
Du moins, dans son cabinet.
Il me proposa un prélèvement, ce que je refusais, car on sait bien qu’un cancer peut s’aggraver avec cette action.
Cela n’aurait servi à rien de donner un nom à sa maladie, puisqu’on ne pouvait pas la soigner de toute façon,
que lui permettre de vivre un peu mieux en coupant parcimonieusement l’appendice inadéquat.
Il ajouta cependant que le jour où Miracle serait condamnée à ne plus manger ou boire, il tenterait quelque chose sur sa santé défaillante.
 
Alors nous avons ramené la dame-oiselle auprès de son Séraphin dans notre maison.
Tous les soirs, je vérifie qu’elle est bien calée sur son perchoir.
Qu’elle se nourrit normalement. Qu’elle vit malgré sa difformité averée.
Est-elle enlaidie ? Je ne crois pas, car elle rayonne de la magnificence du courage et de l’amour de la vie.
Elle pétille, même si elle ne se déplace pas très très vite ni très adroitement.
(La première fois que j’ai coupé son bec si énorme et long, elle piquait du nez en marchant, n’arrivait plus à se déplacer…)
 
Elle est belle, Miracle.
Le temps qui lui est offert s’écoule paisiblement.
Si elle souffre, elle a l’élégance des oiseaux qui n’en laissent rien paraître et se taisent, eux qui sont si prompts à s’exprimer.
Rarement l’animal gémit sous la douleur.
Elle m’est exemple et leçon.
Je l’aime et je l’admire. Elle me plaît.
Infiniment.
Petite Miracle à la vie un peu tronquée du fait de ton infirmité passive, profite !
 
Au moment où j’écris ces lignes, elle plonge le bec dans ses petites graines.
Normale. Si normale dans son indigence. Si forte dans sa drôle de frimousse.
Elle s’appelle Miracle.
 
Anny Fugier, amie de Miracle

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