Je m’appelle Coeur Vaillant. Je reviens de très loin.
Je ne me souviens plus très bien de ce qu’il m’est arrivé, mais j’ai erré dans les bois et j’avais faim et soif.
J’étais très malade, ça je le sais.
J’ai eu peur des orages, je ne savais pas ce que c’était. Je viens des cages et des volières, comme vous, les humains :
je suis un animal domestique depuis longtemps. Alors la nature, ce n’est pas une carte postale qu’on idéalise.
Ce n’est pas non plus un enfer, même si moi, j’ai vécu l’effroi absolu et la malchance.
J’ai empoigné la nature comme n’importe quelle perruche calopsitte lâchée dans les bois l’aurait fait.
En me battant.
Imaginez un citadin lâché en Amazonie sans boussole et sans vivres, sans eau.
Tout habillé de sa peur, de sa solitude, de son incompréhension.
C’est cela qui se passe quand des oiseaux d’élevage se retrouvent libérés sans savoir pourquoi, ni comment.
Rares sont ceux d’entre nous qu’on retrouve, ou qui s’en sortent ; certains, en groupe, reviennent à la liberté sauvage.
Moi, j’étais affreusement seule, armée de ma bravoure d’oiseau perdu qui voulait vaincre coûte que coûte.
J’ai voleté dans les branches ; au début, j’ai trouvé cela amusant, mais bien vite la faim m’a tenaillée.
Et j’avais si froid la nuit ! Quand les éclairs ont déchiré le ciel, je ne comprenais rien. Je savais juste qu’il fallait survivre à cela. Je n’étais pas préparée, tout est arrivé si brusquement.
Un monsieur m’a trouvée au pied d’un mur. Il m’a amenée, ratatinée, chez un vétérinaire.
Puis l’homme bon m’a conduite (j’ai eu si peur dans la voiture !) dans une association,
qui fait aussi lieu de vie pour oiseaux SDF en grande détresse.
On a cherché mes propriétaires car je suis baguée mais on n’a pas trouvé.
J’étais morte de fatigue, j’ai eu tellement soif surtout et faim.
Je ne digérais plus rien, je ne faisais que dormir et j’espérais que ce serait ma délivrance : le sommeil. Il est des états de désespoir d’oiseau où l’on n’a qu’une envie : s’ensommeiller. J’aurais aimé dire s’ensoleiller !
Mais j’aspirais à la nuit, ma bravoure me fuyait : “je n’en peux plus”, me disais-je en mon coeur.
Alors ils ont mis avec moi une autre perruche de mon espèce, domestique, elle.
C’est un être extraordinaire : il s’appelle Hélios, lui aussi est un rescapé, mais d’animalerie.
Lui aussi vient des barreaux, mais il a trouvé un bon foyer d’accueil où il est resté.
Lui aussi était triste à son arrivée, mais pas mourant comme moi.
Et là, dans ma nouvelle cage demeure, Hélios m’a fait des bisous dans la nuque, à la perruche.
Il m’a chantonné des gentils mots d’oiseau pur.
Il est aussi très drôle. Il m’a pris sous son aile. Alors j’ai ouvert mes yeux, et j’ai senti qu’il m’aidait, qu’il disait à ma bravoure de revenir. Le courage, vous savez, quand il s’en va, il se perd en chemin…
Alors il a retrouvé la piste de ma vaillance, celle que je suivais au début de la forêt sauvage.
Hélios a tiré le fil de mon retour à la lumière, la pleine lumière.
Hélios est la joie de vivre.
Lentement, malgré mon bec et ma queue cassée, une sève de je-ne-sais-quoi s’est infiltrée sous mes plumes. S’est alanguie dans mon être, comme un ruisseau bienveillant. Ca venait des mots de bec de mon sauveur ailé. De ses gestes tendres.
Et j’ai remis ma tunique de bravoure, lentement, petitement, mais sûrement. Grâce à Hélios.
Ils m’ont emmenée chez un docteur pour oiseau ; on m’a donné des antibiotiques. Il paraît même qu’il existe des résines pour mon bec cassé, qui permettent de manger plus facilement en attendant la repousse.
Des fois, on met dans ma cage Ity, une autre perruche et elle aussi me chante la vie à sa façon.
J’ai décidé que je vais m’en sortir.
Grâce à Hélios et à leurs bons soins.
Je dédie mon aventure à tous mes frères oiseaux perdus dans les forêts bien malgré eux.
Ceux qui sont abandonnés volontairement et ceux qui se sont envolés suite à une mégarde.
Croyez en votre bonne étoile.
Un oiseau sur un millier peut-être sera retrouvé, je ne sais pas.
Mais moi je viens d’un lieu nommé Bravoure.
Dans mon pays, on ne renonce pas. On a le droit de craquer, mais on essaye de mourir debout,
en se battant.
Je dédie mon aventure miraculeuse et inouïe, mon sauvetage formidable, à tous ces animaux humains
qui ont baissé les bras alors qu’ils n’avaient pas une épreuve aussi dure que moi à mener à terme.
Elle m’a appelé Coeur Vaillant.
J’ai décidé de vous transmettre ma bravoure d’oiseau.
Je suis Coeur Vaillant. Coeur de paix.
Hélios m’a aidée.